CSRD : mise à jour de la directive ambitieuse de l’Union européenne

Maya Fink
Date10 février 2023

La 27ème conférence des Nations Unies sur les changements climatiques, également appelée COP27, s’est tenue en Égypte du 6 au 20 novembre 2022. Elle a marqué le 30ème anniversaire de l’adoption de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques. En moins de 30 ans, les impacts négatifs des changements environnementaux sont devenus indéniables. Ceci oblige le monde entier à s’unir et à lutter pour le bien de la planète. Nous commençons peu à peu à mieux comprendre la science qui sous-tend le changement climatique, et les actions et outils nécessaires pour créer un impact positif qui contrecarre ses effets.

Les objectifs fixés par l’Accord de Paris

En 2015, l’Accord de Paris est adopté. La communauté internationale met en place des plans d’action pour atteindre l’objectif fixé à 1,5°C ainsi que l’objectif d’émissions net zero d’ici 2050. Depuis la COP26 à Glasgow, les Nations unies ont été une nouvelle fois appelées à agir rapidement afin d’atteindre ces objectifs, en réfléchissant collectivement en plus de l’action politique nécessaire. Les décisions prises lors de la COP27 exposent les possibilités de transformation et de résilience essentielles à la santé environnementale. Nous avons désormais une compréhension beaucoup plus claire de la crise climatique et de la manière d’y faire face. 

L’urgence de promouvoir la réduction des gaz à effet de serre, ainsi que l’importance de garantir la disponibilité des moyens nécessaires aux pays en développement qui tentent de participer aux efforts mondiaux, ne sont plus à démontrer. Le secteur immobilier contribue aujourd’hui à environ 40 % des émissions nettes totales de GES. Dans ce contexte, il est important de comprendre comment mettre en œuvre les nouvelles exigences de la directive CSRD afin de garantir la protection de la valeur de vos actifs. Étant donné que ces nouvelles réglementations entreront en vigueur d’ici 2023, la conformité et la rapidité d’action pour la mise en œuvre d’une stratégie appropriée seront pertinentes pour la réussite des objectifs ambitieux fixés par le pacte vert pour l’Europe.

La vision

Cette année, la COP était particulièrement importante. Elle visait à commémorer la science qui mesure le changement climatique en s’appuyant sur les accords, les promesses et les engagements pris lors des conférences ultérieures entre 1992 (Rio) et 2021 (Glasgow). L’objectif ? Prendre des décisions proactives pour aider à accélérer l’action climatique mondiale en matière de réduction des émissions, d’intensification des efforts d’adaptation et d’augmentation du flux des ressources financières nécessaires – en gardant à l’esprit l’application de ces ambitions fondées sur des règles dans les pays en développement du monde entier, où l’aspect « transition » reste la première priorité. 

Quels sont les objectifs à suivre ?

Comme le prévoit l’Accord de Paris, les parties prenantes nécessaires doivent s’unir pour limiter le réchauffement de la planète nettement en dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels, et si possible à 1,5°C. Les représentants des pays savent que ces objectifs exigent des initiatives et des actions immédiates de la part de toutes les parties, en particulier celles en mesure de montrer l’exemple. La COP de cette année s’est efforcée de rehausser la mise en œuvre originelle de la Directive européenne sur le reporting extra-financier (NFRD) proposée pour la COP26. La COP27 a ainsi souligné le rôle de la science, l’importance de travailler ensemble pour garantir l’égalité des chances et la mise en œuvre financière et stratégique qui accompagne ces actions. 

En évaluant  la contribution annuelle nécessaire à  100 milliards de dollars US, la trajectoire vers des adaptations appropriées des objectifs fixés peut inclure la confiance nécessaire entre les pays développés et les pays en développement afin d’obtenir des résultats tangibles de manière équilibrée. Le partenariat et la collaboration contribueront à la réalisation des quatre objectifs où un modèle économique durable pourra s’épanouir. Afin de transformer la manière dont nous interagissons avec notre planète, tous les secteurs de la société doivent s’efforcer d’introduire de nouvelles solutions et des techniques innovantes, de rééduquer et de reproduire des solutions respectueuses du climat dans les pays développés et en développement du monde entier. 

Le pacte vert pour l’Europe

Le 11 décembre 2019, la présidente de la Commission européenne, Ursula Von Der Leyen, a annoncé le pacte vert pour l’Europe (un pacte adopté par l’UE pour devenir le premier continent climatiquement neutre au monde d’ici 2050) avec 1/3 de l’investissement de 1,3 trillion d’euros de NextGenerationEU prévu pour financer le pacte vert pour l’Europe. L’accord vise à améliorer le bien-être des citoyens d’aujourd’hui et de demain en réduisant les émissions nettes de GES de 55 % en 2050, en prévoyant des mesures et des ressources égales pour tous les pays : 

  • 3 milliards d’arbres plantés d’ici 2030 ;
  • air pur, eau propre, sols sains et biodiversité ;
  • des bâtiments rénovés et économes en énergie ;
  • des aliments sains et abordables pour tous ;
  • davantage de transports publics ;
  • une énergie plus propre et des innovations technologiques de pointe ;
  • des produits plus durables qui peuvent être réparés, recyclés et réutilisés ;
  • des emplois d’avenir et des formations qualifiantes pour la transition ;
  • une industrie compétitive et résiliente au niveau mondial.

La dernière mise en œuvre du pacte vert pour l’Europe a eu lieu lors de la COP27 avec l’adoption de la NFRD récemment améliorée : la Directive sur les rapports de développement durable des entreprises (CSRD). Les entreprises seront désormais tenues de publier des informations détaillées sur leurs efforts en matière de durabilité. Ceci afin d’accroître leur responsabilité, d’éviter des normes de durabilité divergentes et de faciliter la transition vers une économie capable de soutenir les mesures de durabilité nécessaires. Vous trouverez ci-dessous un bref aperçu de l’adoption de la CSRD et des points importants à retenir :

1. La CSRD

La NFRD énonce l’obligation pour les entreprises de rendre compte de la manière dont leur modèle d’entreprise influe sur leur durabilité. Cette obligation vise à permettre aux acteurs du marché financier soumis au Règlement « Sustainable Finance Disclosure Regulation » (SFDR) de recueillir les informations nécessaires pour rester transparents. Désormais, avec la CSRD, les entreprises doivent également rendre compte de la manière dont les facteurs externes de durabilité (tels que le changement climatique ou les luttes sociales) influencent leurs activités afin que les investisseurs aient une idée claire du niveau de durabilité d’un actif. Dans cette optique, la CSRD exige un rapport plus détaillé, obligeant les grandes entreprises à inclure des rapports sur les questions « sociales » et « de gouvernance » – intégrant ainsi davantage le S et le G des enjeux ESG. 

« Ces nouvelles réglementations rendront davantage d’entreprises responsables de leur impact sur la société et les guideront vers une économie bénéfique pour les personnes et l’environnement. Les données relatives à l’empreinte environnementale et sociétale seront accessibles au public pour toute personne intéressée par cette empreinte. Dans le même temps, les nouvelles exigences étendues sont adaptées aux différentes tailles d’entreprises et leur offrent une période de transition suffisante pour se préparer aux nouvelles exigences.« 


Jozef Síkela, ministre de l’Industrie et du Commerce

Voici quelques éléments importants à retenir de la CSRD :

  • Le champ des entreprises qui seront soumises à la déclaration s’est élargi. Toutes les grandes entreprises et les sociétés cotées (à l’exception des micro-entreprises) seront soumises à la directive CSRD. Les petites et moyennes entreprises (PME) bénéficieront d’exigences plus simples et d’options de report d’échéances d’ici 2028.
  • The European Financial Reporting Advisory Group (EFRAG) a décidé d’entreprendre l’élaboration de normes européennes en matière de rapports sur la durabilité qui s’appliqueront à tous ceux qui relèvent du champ d’application de la CSRD.
  • Les normes créées par l’EFRAG deviendront pertinentes pour toutes les législations européennes telles que la Taxonomie européenne et le Règlement SFDR. À terme, cela contribuera aux initiatives internationales en matière de rapports sur le développement durable afin de créer des cadres pour une convergence mondiale.
  • Un rapport de durabilité devra désormais inclure un audit de gestion numérisé pour la période de référence 2023 (publié en 2024). Ces exigences motivent la responsabilité collective entre les organes d’administration, de gestion et de contrôle.
  • Les exigences de divulgation porteront sur un nombre accru de domaines, notamment les modèles et stratégies d’entreprise, les objectifs, la gouvernance, les politiques, les processus de diligence raisonnable tout au long de la chaîne de valeur, une description des risques et des plans d’action pour les atténuer, ainsi que des informations sur le processus d’identification des données pertinentes. 
  • Les normes de rapport sur le développement durable clarifieront les informations qui doivent être divulguées concernant les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance. 

La CSRD servira à clarifier les règles existantes en matière de transparence sur la durabilité, en élargissant le champ des entreprises concernées de manière à faciliter l’adoption d’une transition verte et sociale. La divulgation d’informations sur la durabilité affectera probablement les investissements et les financements en fonction de leur conformité aux normes désignées par le pacte vert pour l’Europe.

2. Étapes à venir

La CSRD renforce encore la pertinence du pacte vert pour l’Europe et l’adhésion aux objectifs qu’il représente. Après avoir été signé par le président du Parlement européen et le président du Conseil, il sera publié et officialisé. Il entrera en vigueur 20 jours plus tard et sera ensuite mis en œuvre par les États membres dans les 18 mois suivants.

L’application de la réglementation CSRD se fera en quatre étapes :

  1. 2025 : déclaration sur l’exercice 2024 pour les entreprises dues pour celles qui étaient soumises à la NFRD ;
  2. 2026 : reporting sur l’exercice 2025 pour les grandes entreprises qui n’étaient pas actuellement soumises à la NFRD et qui sont désormais soumises à la CSRD ;
  3. 2027 : reporting sur l’exercice 2026 pour les PME cotées ;
  4. 2029 : rapport sur l’exercice 2028 pour les entreprises hors Europe dont le chiffre d’affaires net est supérieur à 150 millions dans l’UE. 

Impact sur le secteur immobilier

La CSRD a pour objectif d’optimiser la portée des exigences existantes, en rendant obligatoire pour les acteurs de l’immobilier de rendre compte de leurs actions ESG entrantes et sortantes, avec une attention particulière aux facteurs sociaux et de gouvernance. La réglementation proposée sera en vigueur à partir de 2023, il est donc essentiel de s’y préparer. 

Les réglementations ESG en place affectent spécifiquement les acteurs du secteur de l’immobilier en raison du rôle qu’il joue dans les émissions de CO₂. Pour atteindre les objectifs de l’UE en matière de climat et d’énergie inclus dans le pacte vert pour l’Europe, les acteurs de l’immobilier doivent s’engager à créer une mise en œuvre stratégique appropriée d’actions durables. 

La CSRD accroît non seulement le champ d’application des exigences en matière de rapports de durabilité, mais aussi le nombre de personnes qui y seront soumises. Il s’appliquera spécifiquement à toute entreprise qui répond à deux des trois critères ci-dessous :

  • Plus de 250 employés ;
  • Plus de 20 millions d’euros d’actifs ;
  • Plus de 40 millions d’euros de revenus nets.

Que change les exigences de la CSRD dans le secteur immobilier ?

Les exigences obligatoires changeront radicalement la donne en ce qui concerne la responsabilité du secteur. Ce sera le cas en matière d’actions durables en termes de transparence, de connaissance, de risques et d’opportunités, augmentant ainsi l’influence des bons scores ESG sur la valeur des investissements. Afin de se conformer à ces nouvelles réglementations, le secteur de l’immobilier doit présenter des stratégies à long terme pour les risques et les opportunités liés au développement durable, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du secteur – un concept appelé double matérialité. La double matérialité concerne spécifiquement la relation biconditionnelle entre les entreprises et le changement climatique. Une analyse appropriée de la matérialité tiendra compte non seulement de l’impact des activités d’une entreprise sur le changement climatique, mais aussi de la façon dont le changement climatique affecte la matérialité financière de l’entreprise. Cette analyse permettra d’avoir une vue d’ensemble des interactions entre l’environnement et les entreprises. 

En savoir plus : Risques climatiques : ce que vous devez prendre en compte pour préserver la valeur de vos actifs

Comment se conformer ?

Pour se conformer à la CSRD, il sera donc crucial de procéder à une évaluation de la matérialité et de fixer correctement les objectifs ESG voulus. Et cela en tenant compte des stratégies qui fonctionnent sur la base de ces analyses afin d’optimiser les impacts ESG à long terme. Le marché de l’immobilier est stimulé par les investissements financiers. La compréhension des performances en matière de durabilité, ainsi que les stratégies relatives aux risques et aux opportunités des actions durables, sont tout aussi importantes pour attirer les capitaux et obtenir des avantages concurrentiels. Il est devenu primordial de préparer la direction et les parties prenantes internes des entreprises afin de se conformer à la vision et aux attentes globales du pacte vert pour l’Europe pour réussir à créer des biens immobiliers vertueux. 

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