Le décret tertiaire est suspendu…

Clémence Michel
Date18 juillet 2017

Il était (très) attendu lorsqu’il est finalement paru en mai… mais la vie du décret tertiaire a été de très courte de durée puisque presque 2 mois jour pour jour après sa sortie, le voici complètement suspendu. En effet, le 11 juillet, le Conseil d’État a suspendu l’intégralité du décret tertiaire qui obligeait les propriétaires de bâtiments tertiaires à réduire de 25 % leurs consommations énergétiques d’ici 2020. Que s’est-il passé ? Le Blog de Deepki fait le point sur ce dernier et triste épisode de la saga du décret tertiaire.

Un recours, puis une suspension pure et simple

Le décret tertiaire devait inciter à rénover les bâtiments à usage tertiaire en vue d’améliorer leur efficacité énergétique. Or, sa parution en mai a eu le don d’irriter trois acteurs importants concernés par les dispositions du texte : le conseil du Commerce de France, l’association Perifem et l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie. Lesquels jugeaient le calendrier « irréaliste », pris « sans concertation avec les professions concernées », et contestaient les obligations du décret, qui ne seraient « pas conformes à la loi en ce qu’elles ne prennent pas en compte les différences de situation », et ont donc déposé un recours.

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Après une première suspension partielle prononcée le 29 juin par le Conseil d’État, la suspension totale du décret tertiaire a été prononcée le 11 juillet, estimant que le doute sur la légalité du texte était suffisant et que les délais octroyés étaient trop courts, portant atteinte au principe de sécurité juridique. En effet, selon le Conseil d’État, le décret ne pouvait imposer une obligation de réduction de 25 % de la consommation énergétique des bâtiments d’ici 2020, puisque la loi accorde un délai de cinq ans entre la publication du décret d’application et la date à laquelle les obligations de performance énergétique doivent être respectées. Délai non respecté ici !

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Le juge a par ailleurs estimé que les professionnels concernés par le décret manquaient d’information pour engager des travaux conséquents. Il a également affirmé que l’application de ce décret pouvait « gravement » porter atteinte à des intérêts économiques, une atteinte « d’autant plus caractérisée que les personnes assujetties se trouvent, au surplus, exposées, dans l’hypothèse où elles envisageraient de vendre des bâtiments, au risque d’une diminution de leur valeur vénale, compte tenu du report des obligations sur l’acquéreur ».

Un « gâchis » pour le Plan Bâtiment Durable

« Dommage, vraiment dommage, car le texte, malgré ses maladresses sans portée, montrait aux grands acteurs le chemin qu’il faudra suivre et que beaucoup déjà empruntaient », a réagi Philippe Pelletier, président du Plan Bâtiment Durable. « Reculer pour moins bien sauter n’a jamais représenté une stratégie qui vaille ! »

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Par ailleurs, rappelons que, si aucun objectif de réduction de la consommation énergétique des bâtiments tertiaires n’est défini réglementairement pour 2020, la loi de transition énergétique vise un objectif de – 60 % à 2050. Le décret tertiaire n’en était que le premier jalon. Des objectifs intermédiaires doivent être formulés pour chaque décennie.

L’engagement volontaire pour pallier la réglementation

En attendant le rendez-vous de 2030, le Plan Bâtiment Durable a annoncé sa volonté de proposer une nouvelle version de sa charte tertiaire renforcée, « dans la continuité des ambitions gouvernementales et de l’objectif de neutralité carbone ».

Par ailleurs, rappelons que la rénovation énergétique des bâtiments tertiaires a été mise au rang des priorités par le gouvernement avec une enveloppe annoncée de 4 milliards d’euros pour rénover les bâtiments de l’État et des collectivités.

Et si la dynamique de rénovation des bâtiments déjà engagée par de nombreux acteurs pouvait se passer de décret pour accélérer ? Le pari est à prendre et l’affaire à suivre de près. RDV prochainement pour faire le bilan !

 

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