Immobilier hybride : comment faire des espaces vacants une opportunité stratégique ?

Helene Lecointre
Date02 juillet 2025

Décembre 2024 : le Consortium des Bureaux en France (CBF) publie une étude. Celle-ci révèle que près d’un million de mètres carrés de bureaux sont vacants à Paris depuis plus de deux ans, un phénomène qui reflète une tendance globale. À l’échelle mondiale, d’autres grandes villes connaissent des dynamiques similaires. C’est le cas de New York, par exemple, où le taux de vacance à Manhattan atteignait environ 23,5 % au troisième trimestre 2024. 

Ces chiffres témoignent d’un changement profond, accéléré par la pandémie de Covid-19 et l’essor du télétravail, qui ont transformé durablement nos modes de vie, de travail et de consommation

« L’immobilier dans les métropoles mondiales n’a pas suivi les évolutions comportementales provoquées par la pandémie. Le dynamisme des villes est en jeu, et elles devront s’adapter. » (McKinsey Global Institute, juillet 2023). 

Confrontés à cette réalité, les acteurs du secteur immobilier se tournent vers des solutions hybrides, leur permettent de diversifier les usages d’un même bâtiment. Cet article explore les modèles hybrides existants, leurs avantages et les obstacles à surmonter pour les mettre en œuvre.

Espaces hybrides : de quoi parle-t-on ? 

Les espaces (ou modèles hybrides) désignent un bâtiment transformé pour accueillir plusieurs usages ou pour changer complètement de fonction . Ces transformations peuvent intervenir à toute étape du cycle de vie du bâtiment. De plus, elles répondent souvent à des défis immobiliers pressants. 

Le cas le plus fréquent ? La conversion de bureaux vacants en habitation, une solution durable de plus en plus prisée face à la pénurie de logements dans les grandes villes. 

Un exemple parisien : Morland Mixité Capitale 

Depuis plusieurs années, la Ville de Paris a lancé plusieurs projets hybrides novateurs.

C’est le cas de l’ancienne cité administrative du boulevard Morland, devenue un espace mixte. On y retrouve hôtel, auberge de jeunesse, galerie d’art, restaurants, commerces, logements ou encore piscine. Le projet a vu le jour en 2022 et a obtenu plusieurs labels et certifications, dont BREEAM, gage de performance environnementale.  

Ce type de reconversion illustre un double paris stratégique et durable pour les investisseurs et les propriétaires; réutiliser l’existant afin de réduire l’impact environnemental tout en valorisant les actifs immobiliers. Les bâtiments rénovés intègrent par ailleurs des matériaux et pratiques durables, permettant :

EUROPA-CENTER accélère la transformation durable de son portefeuille grâce à Deepki

“Grâce à Deepki, nous avons enfin une vision claire de l’évolution de nos actifs – nous pouvons constater les effets des actions mises en œuvre, qu’il s’agisse du remplacement par des LED ou du pilotage intelligent du chauffage. En parallèle, nous pouvons modéliser différents scénarios futurs et identifier nos zones de risque. Cela nous offre une vision à long terme et la capacité d’agir de manière ciblée.”

Mark Andresen – Project Lead and ESG-Coordination

L’essor du travail hybride redessine l’immobilier

L’adoption de modèles hybrides ne se limite pas à une meilleure utilisation de l’existant. Elle s’inscrit aussi dans une logique de développement durable, en limitant les émissions liées à la construction neuve.

Bien que ces pratiques aient été évoquées avant la crise du Covid-19, la pandémie a servi de déclencheur. En effet, l’adoption en masse du télétravail a bouleversé les modèles économiques des différents segments de l’immobilier (bureaux, résidentiel et commerce) :

  • Bureaux : l’essor du télétravail a entraîné une baisse de fréquentation des bureaux, poussant les entreprises à réduire leurs surfaces. En conséquence, de nombreux locataires ne renouvellent pas leur bail ou bien négocient des baux plus courts avec les propriétaires. Cela augmente ainsi les taux d’inoccupation. 
  • Résidentiel : la demande de logements dans les centres urbains a ralenti, donnant naissance à ce que l’on appelle “l’effet donut” ou “effet beignet”. Concrètement, cela signifie que les prix de l’immobilier ont fortement grimpé en périphérie, tandis qu’ils se sont stabilisés, voire affaiblis dans les centres-villes. Une réalité qui oblige à repenser accessibilité et usages. 
  • Commerce : depuis la pandémie, ce secteur connaît une hausse continue des taux de vacance. Beaucoup de commerçants réduisent la taille de leurs enseignes ou bien les ferment complètement. Quant aux concessions temporaires accordées par les propriétaires, elles ne font que retarder des fermetures inévitables.  

D’autres facteurs contribuent à l’essor des modèles hybrides : obsolescence climatique rapide des bureaux, besoin croissant de rénovations conformes aux normes environnementales, etc. Les pouvoirs publics, en France comme ailleurs, adoptent progressivement des lois visant à réduire la pression sur le marché locatif et à encourager ces transformations.   

Quelles réutilisations pour les bureaux vacants ?

Bien que complexe, la transformation des bureaux vacants représente une opportunité. Celle de repenser la ville et d’aligner investissements et stratégies sur les besoins émergents.

Des bureaux aux logements 

À ce jour, la stratégie la plus largement adoptée par les investisseurs consiste à convertir des bureaux en logements, une réponse directe aux crises du logement. Ces surfaces vides offrent un fort potentiel de transformation et permettent en plus de redynamiser des quartiers d’affaires désertés. 

En savoir plus : Entre ESG et réglementations, focus sur le secteur résidentiel européen en pleine évolution

Des bureaux aux résidences étudiantes et seniors

La demande de logement étudiant comme de résidences pour seniors ne cesse d’augmenter, reflet de dynamiques démographiques changeantes. 

D’un côté, le marché du logement étudiant séduit de plus en plus d’investisseurs, en quête d’actifs résilients et rentables. De l’autre, le vieillissement de la population européenne fait des résidences seniors un segment stratégique et porteur. En France et en Allemagne, la tranche des plus de 80 ans devrait augmenter de plus de 5 millions d’ici vingt ans. Cela amène à repenser l’usage de nombreux bâtiments vacants semble stratégique. 

Des bureaux aux data centers

Face à l’explosion des besoins en stockage de données, les bureaux vacants sont des espaces idéaux pour accueillir de nouveaux centres de données. Ces infrastructures nécessitent de vastes espaces ouverts et pourraient tirer pleinement parti de l’architecture des immeubles de bureau laissés vides

Des bureaux aux hôtels

Une autre piste : la transformation de bureaux en hôtels. Leur implantation en plein cœur des villes et à proximité des transports en fait des espaces idéaux pour séduire voyageurs d’affaires comme touristes.

À Londres, la tendance s’est accélérée ces dernières années. De nombreux immeubles de bureaux ont été reconvertis en établissements hôteliers, maximisant ainsi les taux d’occupation et la rentabilité.

Des bureaux aux lieux de loisirs

Certains espaces de bureaux trouvent une seconde vie en se transformant en salles de sport, cinémas ou centres culturels.

De plus, ces reconversions permettent de réintroduire des services de proximité dans des quartiers souvent peu animés en dehors des heures de bureau. De plus, le cadre de vie urbain et le bien-être des habitants se voient amélioré par ces transformations.

Vers des espaces mixtes et adaptables

Au-delà des reconversions ciblées, de nombreux acteurs misent sur des solutions mixtes pour anticiper les usages de demain. Il ne s’agit plus seulement de transformer l’usage bâtiment à un autre, mais de concevoir dès l’origine des espaces modulables, capables d’évoluer selon les besoins.

Un même bâtiment peut alors changer de vocation sans nécessiter de restructuration lourde. Cela s’effectue grâce à une infrastructure flexible, une architecture réversible et des technologies adaptées. Une approche qui peut se matérialiser également par des projets d’immeubles “neutres”. Ces immeubles sont pensés dès leur conception pour accueillir différents types d’activités : bureaux, logements, hôtels, commerces ou équipements publics.

Dans cette même logique, certains promoteurs conçoivent désormais des bâtiments capables d’intégrer plusieurs types d’espaces de travail. Un manière de s’adapter ainsi aux nouvelles pratiques professionnelles plus hybrides qui se généralisent.

Cette logique s’étend également à l’échelle du quartier. Cela se traduit par la diversification de zones historiquement monofonctionnelles, souvent dominées par les bureaux, se transformant en quartiers vivants mêlant logements, commerces, services et/ou activités tertiaires.

Ce type d’aménagement mixte – à l’échelle d’un bâtiment ou d’un quartier – améliore la performance financière des portefeuilles. À long terme, cela renforce leur résilience et leur attractivité.

Espaces hybrides : un grand potentiel, mais des obstacles réels

Si les modèles hybrides gagnent en popularité, leur déploiement demeure complexe. Contraintes techniques, obstacles juridiques, disparités réglementaires : chaque projet de transformation est un défi unique à relever.

Des défis techniques et juridiques majeurs

Tous les bâtiments ne se prêtent pas aisément à un changement d’usage.
Les différences structurelles entre bureaux et logements, par exemple, sont souvent conséquentes. Il faut repenser l’agencement des volumes, améliorer l’insonorisation, diviser de grands espaces en unités fonctionnelles, et s’assurer du confort thermique et acoustique conforme aux standards résidentiels.

Chaque projet nécessite une étude de faisabilité rigoureuse, pour évaluer la viabilité technique, réglementaire et économique de la reconversion.

En parallèle, changer l’usage d’un bâtiment implique souvent une procédure administrative complexe et chronophage, soumise à l’accord des autorités locales. La facilité ou la difficulté de cette démarche varie fortement selon les pays :

France

Transformation de bureau en logements : vers un cadre réglementaire simplifié en France

La transformation de bureaux en logements nécessite l’obtention d’un permis de construire, dans le respect des règles définies par le Plan Local d’Urbanisme (PLU). S’y ajoutent des obligations environnementales strictes, notamment celles de la réglementation RE2020, qui encadrent les rénovations lourdes et les constructions neuves.

Si ces obligations sont nécessaires, elles alourdissent cependant les coûts de transformation et freinent souvent les investisseurs. Conscient de ces freins, l’État français engage des démarches pour en simplifier le processus. Le 5 juin 2025, une proposition de loi a été adoptée pour la transformation de bureaux vacants en logement en allégeant certaines procédures.

Royaume-Uni

Reconversion et risques climatiques : un double défi pour les investisseurs britanniques

Depuis 2013, les “Permitted Development Rights” (PDR) permettent de convertir des bâtiments commerciaux en logements sans passer par une demande complète de permis de construire. Ce dispositif a déjà permis la création d’environ 121 000 logements.

Mais ce succès présente des limites. Une étude réalisée par RICS en 2018 a mis en lumière des logements parfois trop petits, mal situés ou inadaptés aux besoins des occupants. Aujourd’hui, la pertinence du PDR fait débat : faut-il continuer à assouplir les règles pour favoriser la reconversion, ou renforcer les exigences de qualité pour éviter les dérives ?

En parallèle, les investisseurs doivent intégrer les risques climatiques de plus en plus présents au Royaume-Uni (canicules, vagues de chaleur, etc.). Des bâtiments mal conçus ne font qu’accentuer la vulnérabilité, fragilisant la valeur et la rentabilité à long terme.

États-Unis

Droit de zonage : un frein majeur à la reconversion aux États-Unis

Le principal frein réside dans le droit de zonage, qui déterminent les usages autorisés dans chaque zone d’un territoire. Très variables d’un État à l’autre, ces réglementations interdisent souvent les logements dans des zones strictement commerciales, rendant les reconversions longues, coûteuses et incertaines. Certaines villes commencent à assouplir ces règles pour répondre à la crise du logement. Mais le chemin reste long et les réformes varient considérablement d’un État à l’autre.

En savoir plus sur la durabilité aux États-Unis : où en est le secteur immobilier ?

Comment financer les reconversions ?

Au-delà des contraintes techniques et réglementaires, le financement reste un levier déterminant — et souvent un frein majeur — à la transformation des bâtiments vacants.

Avant de se lancer, investisseurs et propriétaires doivent avant toute chose évaluer :

  • le coût d’acquisition ou de détention du bâtiment ;
  • les dépenses de conversion ou de rénovation lourde ;
  • et les revenus potentiels générés après transformation.

Un calcul pour obtenir des financements qui s’avère complexe. Les investisseurs doivent s’assurer que l’écart entre les coûts initiaux et les revenus futurs soient réalistes. Choisir entre réinvestir dans des travaux de rénovation classiques (CapEx) ou opter pour une stratégie de conversion plus ambitieuse mérite une réflexion approfondie.

Un élément déterminant pour comprendre si une transformation est économiquement viable : la différence de loyers entre les usages d’origine (ex. bureaux) et les usages envisagés (ex. logements). D’autres facteurs entrent également en jeu : conditions de marché, structure du bâtiment, localisation ou encore catégorie (ou classe d’actif).

Mais l’équation économique ne s’arrête pas là; les reconversions offrent aussi un levier de valorisation durable. C’est le cas notamment dans les villes confrontées à une forte demande de logements ou à un excès de vacance tertiaire.

Un potentiel de rentabilité confirmé

Une étude menée par Deloitte sur le marché américain met en lumière plusieurs leviers décisifs. L’évolution attendue des loyers, les valorisations, les coûts d’acquisition, les dépenses de conversion et les incitations publiques pourraient, d’ici 2027, rendre ces projets largement rentables pour les promoteurs et investisseurs.

Autrement dit, dans certains contextes, la reconversion ne se contente pas d’être viable. Elle devient un choix stratégique, souvent préférable à la construction neuve, particulièrement en matière de durabilité et de gestion des risques.

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Face aux mutations structurelles du marché immobilier les modèles hybrides apparaissent comme une réponse stratégique. Ils permettent de conjuguer performance économique, responsabilité environnementale et adaptation aux nouveaux usages. Dans ce contexte, prioriser les investissements et définir une stratégie claire d’adaptation des actifs s’avère primordial.

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