Ces dernières années, l’intérêt et la demande croissante des investisseurs et des consommateurs ont fait de la durabilité un enjeu stratégique incontournable. Les acteurs immobiliers se concentrent désormais sur l’adoption de pratiques durables afin de préserver et augmenter la valeur de leur portefeuille, et ce, à l’échelle mondiale.
Aux États-Unis, sous l’administration Biden, l’atténuation au changement climatique et les normes environnementales ont été soumises à un examen accru, et une attention particulière est désormais portée à la manière dont les entreprises assurent une gestion responsable, transparente, ainsi que de prises de décisions durables dans leurs structures de gouvernance.
Cependant, là où l’Union européenne tend à établir un paysage réglementaire plus uniforme, les États-Unis manquent encore d’une approche nationale globale pour promouvoir l’adoption de pratiques durables. Cet article vous présente une vue d’ensemble des initiatives de durabilité aux États-Unis. Il explore les réglementations clés et les perspectives d’avenir pour l’industrie immobilière.
Réglementations et initiatives fédérales clés : état des lieux
Dans l’Union européenne, les directives standardisées telles que celle sur le reporting de durabilité des entreprises (Corporate Sustainability Reporting Directive), ou la SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation), garantissent que tous les pays européens suivent les mêmes règles de durabilité. Elles offrent aussi davantage de transparence pour les propriétaires et investisseurs immobiliers. De leurs côtés, les États peuvent choisir d’implanter des réglementations nationales plus strictes.
Le paysage réglementaire américain est, quant à lui, influencé par un système fédéral. Les États sont donc considérablement autonomes dans la mise en place de leurs propres réglementations. En conséquence, les normes peuvent varier largement d’un état à un autre. Par exemple, les objectifs climatiques engagés de la Californie contrastent fortement avec les réglementations plus laxistes du Texas. Un manque de cohérence, et surtout un défi majeur pour les entreprises opérant à l’échelle nationale, à l’heure où ils doivent répondre aux risques climatique auxquels leurs actifs sont soumis.
L’urgence climatique
Répondre à l’urgence climatique n’a jamais été aussi critique. Les risques climatiques pèsent de plus en plus lourd sur l’économie américaine.
Selon la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA), en 2024, les États-Unis ont enregistré 27 catastrophes météorologiques et climatiques majeures. Chacune a engendré des pertes dépassant 1 milliard de dollars.
Source: National Oceanic and Atmospheric Administration.
Sous l’administration Biden, des progrès considérables ont été réalisés pour soutenir les efforts visant à atteindre la neutralité carbone. Entre autres, la loi sur la réduction de l’inflation (IRA) de 2022, constitue l’un des plus grands investissements dans l’histoire des États-Unis, encourageant l’économie, la sécurité énergétique et la législation climatique. Cette législation a favorisé un engagement fédéral croissant en faveur du développement durable.
La SEC (Securities and Exchange Commission)
La SEC (Securities and Exchange Commission) occupe un rôle central dans le reporting durable et non-financier. Depuis sa création en 1934, sa mission s’est élargie au-delà des risques financiers pour inclure la transparence sur les facteurs durables. Elle exige maintenant que des sociétés cotées en bourse divulguent également des renseignements précis sur ces facteurs dans le cadre de leurs décisions d’investissement.
En mars 2022, la SEC a présenté les règlementations sur la divulgation durable. Ces règles abordent la gestion des risques liés au climat et imposent la divulgation des émissions de GES (gaz à effet de serre) tout au long de la chaîne d’approvisionnement. De plus, les entreprises doivent indiquer les répercussions financières des phénomènes météorologiques violents et autres événements extrêmes, dans les états financiers vérifiés.
En parallèle, la SEC s’est attaquée au greenwashing. Elle a intensifié le contrôle des fonds d’investissement durables pour s’assurer qu’ils atteignent les objectifs fixés. De plus, elle a récemment approuvé une loi visant le greenwashing des fonds d’investissements.
LE FIO (US Federal Insurance Office)
Le FIO (Federal Insurance Office) est une division du département du Trésor des États-Unis. Son rôle premier est de surveiller le secteur de l’assurance et fournir une supervision des problématiques nationales ou internationales, surtout celles pouvant impacter la stabilité du système financier.
Le secteur de l’assurance est de plus en plus exposé aux risques liés au changement climatique. Le FIO a donc un rôle crucial dans l’évaluation de ces risques et comment ils peuvent affecter le secteur. Il travaille avec d’autres organismes fédéraux pour s’assurer que les fournisseurs de services d’assurance répondent à ces risques croissants.
Par exemple, le FIO a présenté une loi sur les risques climatiques et la résilience des fournisseurs fédéraux américains. Selon cette réglementation, les fournisseurs fédéraux doivent évaluer, divulguer et atténuer les risques liés aux émissions de GES et au climat pour leurs activités, produits et services.
La coalition nationale BPS (National Building Performance Standards)
Les normes BPS (Building Performance Standards) sont surtout des initiatives locales et au niveau des états. Cependant, il y a eu un soutien fédéral croissant envers ces initiatives, particulièrement sous l’administration Biden, qui a lancé la coalition nationale BPS. Celle-ci rassemble un groupe national de gouvernements et États engagés à mettre en œuvre des politiques et des programmes de performance du bâtiment dans leurs juridictions. À la fin de 2023, 12 juridictions, dont New York, Washington et DC, avaient adopté des lois sur les BPS.
Dans l’ensemble, les lois et politiques des normes BPS visent à réduire l’impact carbone du secteur. Elle exige donc des bâtiments existants qu’ils atteignent les objectifs de rendement énergétique et de réduction des émissions de GES. Largement utilisées aux États-Unis, ces normes imposent une amélioration continue à travers le reporting, la vérification et parfois la validation d’un tiers.
Source: State and Local Building Performance Standards
Le DOL (Department of Labor)
Le DOL, Department of Labor (département du travail) joue un rôle central dans la régulation des conseils financiers et des plans de retraites. Depuis l’administration Obama (2009-2017), le DOL a commencé à intégrer la durabilité dans l’examen des investissements liés aux retraites. Sous la présidence Trump (2017-2021), les besoins économiques ont souvent éclipsé les préoccupations environnementales. Cependant, la proposition de Biden (2021-2025) dans le cadre du DOL a permis, quant à elle, de rendre équivalents les rendements financiers et la durabilité. Elle a encouragé les conseillers financiers à s’appuyer cette dernière pour atténuer les risques et identifier les opportunités d’investissement.
La législation DOL fait partie d’un effort fédéral plus large en vue d’intégrer les considérations durables dans le système financier des États-Unis. Cela s’aligne sur d’autres initiatives fédérales, comme les divulgations obligatoires des risques climatiques de la SEC et l’accent mis par le FIO sur les risques liés au climat, afin d’assurer des mesures efficaces.
Réglementations et initiatives volontaires
Aux États-Unis, le reporting durable reste largement volontaire, malgré les efforts de la SEC pour établir des règles plus strictes. Les entreprises peuvent suivre des cadres volontaires tels que la TCFD (Task Force on Climate-Related Financial Disclosures), ou bien le Global Reporting Initiative (GRI). Toutefois, l’absence de mandat fédéral imposant un reporting uniforme laisse aux entreprises une grande liberté dans la manière dont elles structurent leur reporting de durabilité.
Le Sustainability Accounting Standards Board (SASB), fondé en 2011, vise à mettre en œuvre des recommandations cohérentes en matière de durabilité et de finances pour les entreprises et les investisseurs. Il sert de cadre de référence en matière de durabilité et fournit des normes spécifiques à chaque secteur. Cela permet ainsi aux entreprises de divulguer des informations matérielles et de durabilité à destination des investisseurs.
Bien que non obligatoires, les recommandations du SASB sont de plus en plus adoptées par les entreprises américaines. Celles-ci souhaitent répondre aux demandes des investisseurs en matière de données durables. Le SASB identifie les problématiques de durabilité susceptibles d’avoir un impact sur les performances financières et la valeur des entreprises dans 77 secteurs, y compris l’immobilier. Cela sert de base pour évaluer les activités d’une entreprise lors des audits.
Largement adoptée par les entreprises américaines, le Global Reporting Initiative (GRI) est la norme la plus reconnue et utilisée parmi les normes mondiales de reporting sur la durabilité. Les divulgations volontaires de la GRI couvrent divers sujets durables jugés pertinents pour l’organisation ainsi que tous les éléments liés à sa méthode de gestion. Les principes de reporting incluent l’inclusion des parties prenantes, la durabilité et l’intégrité. Ils offrent une méthode structurée pour que les organisations rendent compte de leurs propres informations et impacts.
La TCFD, Task Force on Climate-Related Financial Disclosures (en français, Groupe de travail sur la publication d’informations financières relatives au climat) est une norme internationale axée sur les risques financiers liés au climat, de plus en plus adoptée par les entreprises aux États-Unis. Créée par le Financial Stability Board (FSB) en 2015, la TCFD vise à promouvoir des divulgations climatiques plus efficaces. Elle se concentre sur les impacts financiers des risques et des opportunités liés au climat sur une organisation.
Le Carbon Disclosure Project est un cadre volontaire de divulgation des émissions de GES et des informations liées au climat. Il offre un cadre standardisé pour permettre aux entreprises immobilières de rendre compte de leurs émissions carbone, leur consommation d’énergie, la gestion de l’eau et les risques climatiques. De plus, ce niveau de transparence aide les entreprises à être alignées sur les demandes des investisseurs pour des données de durabilité fiables.
LEED, développé par le U.S. Green Building Council (USGBC), est l’un des systèmes de certification les plus reconnus au monde pour les bâtiments verts. Le USGBC a publié des critères pour améliorer la performance environnementale des bâtiments via LEED. Cela s’est maintenant étendu et inclut des systèmes de notation pour les bâtiments existants, les intérieurs et les quartiers.
ENERGY STAR est un programme volontaire initié par l’Agence de Protection de l’Environnement des États-Unis (EPA) pour promouvoir l’efficacité énergétique des bâtiments résidentiels et commerciaux, ainsi que d’autres produits. Il vise à aider les consommateurs et les entreprises à réduire les émissions de GES en identifiant produits et pratiques écoénergétiques. Dans le cadre d’ENERGY STAR, les maisons et les appartements certifiés répondent à des directives strictes de construction écoénergétique établies par l’EPA.
Les initiatives au niveau des États
Les États et les gouvernements locaux sont en première ligne de la mise en œuvre des politiques et programmes durables. Ils sont d’ailleurs souvent en avance par rapport les initiatives fédérales. D’un côté, certains États résistent à ces initiatives, en particulier celles liées au changement climatique, ce qui souligne une division croissante dans l’adoption de la durabilité dans le pays. Cependant, d’autres, comme la Californie et New York, sont très proactifs sur le sujet.
Source: BloombergNEF, State Legislature.
Les États actifs dans la mise en place de pratiques durables
La Californie présente certaines des réglementations environnementales les plus strictes des États-Unis. Son programme de déclaration des émissions de GES impose des divulgations aux entreprises, faisant de la Californie un leader en matière d’énergie renouvelable et de législation sur le changement climatique. En septembre 2023, le bureau du secrétaire d’État de Californie a adopté la Climate Corporate Data Accountability Act, exigeant que les grandes entreprises déclarent leurs émissions de GES d’ici 2026.
L’État de New York dispose également d’un ensemble solide d’initiatives axées sur la durabilité. Cela inclut le Climate Leadership and Community Protection Act ainsi que des obligations de divulgation des risques climatiques pour les institutions financières supervisées par le Département des services financiers de l’État.
Les états réticents à l’adoption de pratiques durables
Dans l’Union européenne, l’environnement politique est davantage aligné en faveur des principes de durabilité. La durabilité est profondément ancrée dans des initiatives telles que le Pacte vert européen et les plans d’action pour le climat. Mais aux États-Unis, certains États et législateurs fédéraux s’opposent à l’idée de pratiques durables imposées par le gouvernement.
Cette politisation des questions a entraîné un certain ralentissement des progrès réglementaires au niveau fédéral. Plusieurs États ont adopté des lois visant à contrer l’influence des critères durables dans les décisions d’investissement.
Par exemple, le Texas a adopté des lois interdisant aux fonds de pension publics de collaborer avec des institutions financières qui se désengagent des entreprises pétrolières et gazières. Cette position reflète une opposition ferme aux politiques jugées comme nuisibles aux industries clés de l’État. Le Texas s’est également opposé aux pratiques d’investissement durables, considérées par l’État comme affaiblissant le secteur des combustibles fossiles.
De même, la Floride a introduit des mesures limitant l’intégration des critères durables dans les décisions d’investissement pour les fonds de pension publics. L’État a aussi adopté des lois visant les entreprises mettant en avant ce qu’il qualifie de politiques ”woke”.
Pour en savoir plus : Aux États-Unis, un front anti ESG menace les engagements « responsables » des entreprises.
États-Unis et durabilité : entre progrès et défis
Des progrès significatifs ont été réalisés aux États-Unis en matière de mise en œuvre des critères durables. Cependant, le cadre réglementaire reste fragmenté, avec une application décentralisée et des sanctions pour non-conformité moins strictes que celles en vigueur dans l’Union européenne.
Le modèle réglementaire de l’UE intègre à la fois la matérialité financière et la double matérialité. Cela rend les entreprises responsables non seulement de l’impact des facteurs environnementaux et sociaux sur leur performance financière, mais aussi de l’effet de leurs activités sur la société et l’environnement. En revanche, l‘approche fédérale des États-Unis se concentre principalement sur la matérialité financière. Elle exige que les entreprises divulguent essentiellement les risques climatiques susceptibles d’influencer leur performance financière. À l’avenir, les États-Unis devront combler ces lacunes en matière d’application pour rester compétitifs et s’imposer en tant que leader dans le paysage mondial.
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