Le changement climatique pose un défi de décarbonation de taille à l’industrie immobilière. Cette dernière est responsable de 39 % des émissions globales de carbone. Il est donc crucial que le secteur du bâtiment prenne ses responsabilités pour faire face à cette urgence climatique. Ce chemin vers la neutralité commence par une prise en compte complète du cycle de vie des bâtiments afin d’inventorier les sources d’émissions et déterminer comment les réduire. À la différence du carbone opérationnel qui peut être limité par des mesures d’efficacité énergétique et par l’utilisation de sources renouvelables, le carbone incorporé est intrinsèquement lié aux bâtiments. Le WGBC (World Green Building Council) estime qu’il représentera environ la moitié de l’empreinte carbone totale des nouvelles constructions d’ici 2050.
Selon la Commission Européen (2020), le carbone incorporé désigne « les émissions de gaz à effet de serre associées à la phase non opérationnelle d’un projet, à savoir les émissions libérées par l’extraction, la fabrication, le transport, l’assemblage, l’entretien, le remplacement, la déconstruction, la démolition et la fin de vie des matériaux et des systèmes qui composent un bâtiment”.
Prendre en compte le carbone incorporé est essentiel pour évaluer l’empreinte carbone totale d’un bâtiment, en particulier lorsque le carbone opérationnel diminue grâce à des conceptions performantes et des sources d’énergie renouvelables. Ce blog explore les différentes stratégies pour réduire efficacement le carbone incorporé d’un bâtiment, qu’ils soient existants ou nouveaux. De la réutilisation des bâtiments et du choix de matériaux durables à l’optimisation des processus de conception, en passant par le plaidoyer pour des réformes réglementaires, différentes stratégies sont abordées.
Analyse du cycle de vie et matériaux durables
La première étape pour réduire le carbone incorporé consiste à effectuer une analyse du cycle de vie des bâtiments, nouveaux comme existants. Cela permet de mesurer et de suivre les émissions à chaque phase :
- La phase de production : le carbone incorporé est principalement associé à l’approvisionnement des matières premières, leur transport et aux procédés de fabrication.
- La phase de construction : le carbone incorporé continue de s’accumuler dû au transport des matériaux sur le site et aux processus de construction et d’installation.
- La phase d’utilisation : le carbone incorporé est alimenté à travers des activités telles que l’usage continue du bâtiment, l’entretien régulier, les réparations et le remplacement ou la remise à neuf des composants du bâtiment.
- Fin du cycle de vie : lors de la démolition du bâtiment, les émissions proviennent de la déconstruction, du transport des matériaux et des processus de gestion des déchets.
Optimiser l’empreinte carbone d’un bâtiment durant toute sa vie implique un équilibre entre la réduction des émissions opérationnelles et la gestion du carbone incorporé pour améliorer la performance énergétique de l’actif.
Pour approfondir : Quelles sont les données disponibles pour faire une ACV en Europe ?
Le carbone incorporé dans les nouvelles constructions
D’après un rapport du CRREM (2023), la construction de nouveaux bâtiments représente jusqu’à 70 % du carbone incorporé. Ce pourcentage partagé entre la construction, le transport et la démolition des matériaux. Cependant, la fabrication de nouveaux matériaux contribue à la plus grosse part des émissions (83 %). Le carbone incorporé des nouveaux bâtiments est alors supérieur aux émissions opérationnelles de carbone.
En France, la réglementation RE2020 introduit des exigences couvrant l’ensemble du cycle de vie d’un bâtiment. Parmi ses trois objectifs principaux, elle vise à réduire l’impact carbone des nouvelles constructions d’ici 2031, avec une baisse de plus de 30 % du seuil maximal en kgCO2/m2 par rapport au niveau de référence actuel.
Le carbone incorporé dans les bâtiments existants
La réhabilitation des bâtiments permet de réduire efficacement eurs émissions. Au cours de leur vie, ces constructions subissent rénovations et travaux. Ceux-ci contribuent environ à 33 % des émissions dues au carbone incorporé — une répartition différente entre le carbone incorporé et opérationnel par rapport aux nouvelles constructions. La plupart du temps, le bâti existant n’est pas éco-énergétique. Cependant des rénovations ciblées peuvent réduire ces émissions opérationnelles, améliorant ainsi l’empreinte carbone globale.
Le temps de retour carbone (TRC) est un indicateur qui permet de calculer le délai nécessaire pour compenser les émissions de carbone incorporé d’un bâtiment par les économies réalisées sur carbone opérationnel. Concrètement, il s’agit de calculer le temps de retour sur investissement d’un point de vue carbone d’un projet. Pour des rénovations importantes, ce temps peut prendre jusqu’à 15 ans.
Réduire le carbone incorporé dans les bâtiments : un défi européen
Mieux construire
La première étape pour réduire le carbone incorporé consiste à construire efficacement d’entrée de jeu. En plus d’adopter des pratiques durables pour les bâtiments neufs ou existants, il est primordial de prioriser l’efficacité des matériaux et l’optimisation structurelle lors de la conception. Chacun de ces choix contribue à un futur durable et bas carbone. Par exemple, la construction modulaire peut réduire la consommation d’énergie de 67 % par rapport aux méthodes traditionnelles.
Retrofitting : réutilisez et recyclez les bâtiments
Quand :
Durant la phase d’utilisation.
Pourquoi :
Les stratégies de rétrofits, qui visent à améliorer les structures existantes plutôt qu’à en construire de nouvelles, offrent une solution directe pour lutter contre le carbone incorporé présent dans les bâtiments.
Selon une étude de 2023 de Build Change, basé sur l’analyse de plus de 300 cas d’étude, la rénovation des maisons pour les préparer aux désastres climatiques permet de réduire les émissions de carbone incorporé de 68 % par rapport à de nouvelles constructions. Le rétrofit est non seulement plus sobre, mais il évite la reconstruction, souvent coûteuse et gourmande en ressources, suite à des désastres climatiques. De plus, rénover est plus rentable sur le long-terme. Cela permet des économies considérables tout en contribuant à un environnement du bâti plus durable et résilient.
Il existe différentes mesures de rénovation lors de la réutilisation des bâtiments pour améliorer l’efficacité énergétique et réduire le carbone incorporé. Par exemple, limiter les surfaces en verre est essentiel puisque cela permet de réduire l’apport de chaleur et la consommation d’énergie. Il est aussi possible de remplacer les vitrages par des modèles filtrant mieux les rayons solaires et d’ajouter une protection solaire — stores ou volets — optimisant ainsi la performance énergétique.
D’autres solutions incluent la pratique du Free cooling (refroissement naturel), ou la ventilation nocturne — qui consiste à rafraîchir le bâtiment en faisant entrer de l’air extérieur plus frais, de jour ou de nuit.
Retrofitting : 5 avantages de la modernisation de votre parc immobilier
Choisissez des bétons bas carbone
Quand :
Lors de la phase de construction d’un bâtiment.
Pourquoi :
Le ciment, élément renforçant le béton, est produit par la combustion du calcaire dans des fours à très haute température. Ce procédé repose généralement sur la poudre de charbon ou le gaz naturel comme combustible, consommant une grande quantité d’énergie et dégageant des émissions importantes de CO2.
Le béton représente 50 à 85 % du carbone incorporé dans un projet de construction. Les bétons bas carbone offrent des alternatives plus durables lors de nouveaux projets. Des innovations telles que le béton autocicatrisant, soutenues par la GCCA (Global Cement and Concrete Association), permettent d’améliorer encore davantage la durabilité des matériaux de construction.
Optez pour des matériaux bas carbone
Quand :
Lors de la rénovation de bâtiments existants ou lors de phase de construction de nouveaux bâtiments.
Pourquoi :
Sélectionner des matériaux durables et bas carbone est essentiel pour réduire l’empreinte carbone d’un bâtiment. Faire ce choix peut réduire significativement l’impact global d’une construction sur l’environnement. Cette approche implique le choix des matériaux à faible teneur en carbone et la réduction des quantités de matériaux à forte émission tels que le béton et l’acier, traditionnellement utilisés pour des volumes importants. La sélection et la réduction minutieuses de ces matériaux peuvent entraîner des réductions substantielles du carbone incorporé.
La décarbonation du secteur de la construction est facilitée par l’émergence de systèmes structurels alternatifs. On retrouve par exemple le bois massif, une famille de bois d’ingénierie connus pour leur robustesse, leur versatilité et durabilité. Des innovations comme l’isolant thermique NGX contribuent également à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, avec jusqu’à 80 % de carbone en moins dans le produit.
Priorisez la réutilisation des matériaux et produits
Quand :
Pour les nouveaux bâtiments et les rénovations, lors de la phase de construction et à la fin du cycle de vie.
Pourquoi :
Pour les matériaux de construction, les deux stratégies clé à adopter sont le maintien et la réutilisation, qui limitent l’introduction de carbone en préservant les éléments structurels existants.
Cibler des éléments et des assemblages à forte masse — comme la sous-structure, la superstructure et les murs — peut aider à la réduction significative des émissions de carbone. Par exemple, l’incorporation d’agrégats recyclés dans les mélanges de béton permet de diminuer l’impact carbone. Adopter une économie circulaire grâce à l’approvisionnement local des matériaux réduit davantage le carbone incorporé, tout en promouvant une construction plus durable.
Selon la RICS, 3.3 millions de tonnes de CO2 pourraient être économisés chaque année au Royaume-Uni en réutilisant les matériaux de construction pour l’instant traités comme des déchets. Pourtant, certains matériaux tels que l’acier, en raison de leur valeur financière, sont déjà largement recyclés. Le secteur immobilier doit élargir cette pratique à plus de matériaux. Même les pays qui affichent d’excellents résultats de décarbonation dépendent encore des techniques de recyclage des déchets. La réutilisation de matériaux clés comme le ciment, l’aluminium ou le plastique pourrait contribuer à réduire une quantité significative d’émissions.
Nooco : zoom sur le leader français dans l’analyse du cycle de vie des bâtiments
Nooco, acquis par Deepki en 2023, est une plateforme SaaS, spécialiste de l’ACV (analyse du cycle de vie des bâtiments). C’est aussi une solution conçue pour atteindre plus de transparence dans les indicateurs carbones des projets de constructions
Dans un bâtiment, les éléments tels que la superstructure, les fondations, la plomberie, les façades ou encore les finitions, peuvent fortement contribuer à l’empreinte carbone d’un bâtiment. L’objectif de Nooco est d’aider les acteurs de l’immobilier à mesurer l’impact de ces éléments et à mettre en place des mesures pour réduire cette empreinte carbone. L’analyse détaillée du cycle de vie réalisée par Nooco met en lumière les domaines d’amélioration. Cela aide ensuite à sélectionner les meilleures alternatives de matériaux ou à repenser l’ensemble du projet pour faire des choix plus durables. Les constructeurs, les propriétaires d’actifs, les exploitants et les fabricants peuvent ainsi mesurer et optimiser l’impact environnemental de leurs projets de construction, de rénovation ou d’exploitation.
Conclusion
Réduire le carbone incorporé exige une approche stratégique axée sur des actions clés à mettre en place tout au long du cycle de vie d’un bâtiment. Le secteur immobilier doit prioriser dès le départ l’efficacité des matériaux et l’optimisation structurelle pour une réduction des émissions efficace. La mise en œuvre de l’analyse de cycle de vie aide à déterminer et à minimiser les impacts du carbone à chaque étape, de la production et de la construction jusqu’à la fin de vie d’une construction.
Les actions clés incluent le choix de matériaux bas-carbone, l’adoption de méthodes de construction modulaires, la rénovation des bâtiments existants plutôt que la construction de nouveaux et la réutilisation des matériaux. Des outils comme Nooco, une solution Deepki, offrent une transparence accrue sur l’empreinte carbone, permettant ainsi de prendre des décisions éclairées. En adoptant ces pratiques, le secteur immobilier peut faire des progrès significatifs dans la réduction du carbone incorporé et se tourner vers un avenir plus durable.
WEBINAIRE
Le webinaire sur l’évaluation des risques liés au CO₂ avec l’outil CRREM : comment l’utiliser pour évaluer votre portefeuille.
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