Comprendre la comptabilité carbone

Salma Kouay
Date11 août 2022

1 049 villes, 67 régions, 5 235 entreprises et 441 des plus grands investisseurs de 120 pays se sont engagés à atteindre zéro émission nette d’ici 2050, ce qui représente près de 25 % des émissions mondiales de CO2 et plus de 50 % du PIB mondial.

Le CO2, gaz à effet de serre très connu, est la référence de base surveillée par de nombreux acteurs. L’ensemble des émissions de gaz à effet de serre (GES) causées par un une activité, une entreprise, un pays ou une région donnés est connue sous le nom d’empreinte carbone. 

De nombreux autres gaz composent les gaz à effet de serre et sont souvent négligés, notamment la vapeur d’eau (H2O), le méthane (CH4), le protoxyde d’azote (N2O), l’ozone (O3), etc. Ils absorbent et émettent également de l’énergie de rayonnement, ce qui entraîne le fameux effet de serre.

L’empreinte carbone est mesurée en général en équivalent dioxyde de carbone (CO2e). C’est une unité commune pour les GES, obtenue en multipliant la quantité de GES par son potentiel de réchauffement global. 

Bien qu’une unité commune permette de comparer les organisations, les émissions de carbone ne peuvent être comparées équitablement si leur taille diffère. Il peut donc être utile de transformer les émissions de carbone en mesures normalisées, appelées intensités carbone.

De quelles émissions parle-t-on ?

Les informations sur les émissions de carbone de plus en plus d’entreprises sont disponibles publiquement. Cependant, les GES sont un indicateur brut sujet à des incertitudes au niveau de l’entreprise. Afin de fournir une base de suivi commune pouvant être utilisée par les états et les entreprises, et de limiter l’écart de mesure, le Protocole sur les Gaz à Effet de Serre (Protocole GES) classe les émissions de gaz à effet de serre d’une entreprise en trois périmètres (scopes) différents : 

  • Le Scope 1 fait référence aux émissions directes de gaz à effet de serre provenant de sources qui sont détenues ou contrôlées par la société.
  • Le Scope 2 regroupe les émissions indirectes de gaz à effet de serre liées aux consommations d’électricité, de chaleur ou de vapeur achetée. Les émissions de ce scope peuvent être calculées en utilisant le mix énergétique du pays (basé sur l’emplacement) ou le mix énergétique de la société de services publics qui fournit l’électricité (basé sur le marché). 
  • Les émissions du Scope 3 sont toutes liées aux autres émissions indirectes, telles que l’extraction et la production de matériaux et de combustibles achetés, les activités liées au transport dans des véhicules qui ne sont pas détenus ou contrôlés par l’entité déclarante, et les activités liées à l’électricité qui ne sont pas couvertes par le scope 2. 

A lire également : Scope 3

Comprendre les émissions

Pour comprendre et tenter de limiter l’impact de ces émissions, il est important de connaître les d’informations sur leur volume et leur localisation, ainsi que sur leurs facteurs. Ces informations peuvent être obtenues via deux moyens : 

  • Un inventaire des émissions : la quantification de l’émission physique des émissions atmosphériques à un moment précis dans le temps dans une zone géographique spécifique. 
  • La comptabilité des émissions : le lien entre ces émissions et les facteurs et acteurs socio-économiques. Le concept de comptabilisation des pressions environnementales ne se limite pas aux émissions atmosphériques et s’applique à d’autres thèmes environnementaux, tels que les déchets, les matériaux, l’eau et l’utilisation des sols.

De nombreuses méthodologies de comptabilisation des émissions sont disponibles dans le monde. Ces méthodes se différencient principalement par leur statut (norme, référentiel privé, etc.), leur domaine d’application (scopes couverts) et leur cible (entreprise, approche sectorielle, collectivité ou territoire).

 Des méthodologies différentes de comptabilité carbone

Au niveau européen, trois différentes méthodologies de comptabilité se complètent. Avoir différents points de vue permet de mieux comprendre les interactions entre les différents types d’émetteurs. Pour ce faire, les émissions de CO2 sont regroupées en trois grands groupes :

  • Les émissions territoriales sont émises à l’intérieur des frontières d’un pays ainsi que dans les zones relevant de la juridiction d’un pays. Les méthodes de surveillance et de calcul les plus courantes pour quantifier les émissions atmosphériques sont les systèmes de surveillance continue des émissions (CEMS) et l’échantillonnage à la source. 
  • Les émissions de production résultent des activités économiques des entreprises et des ménages résidents d’un pays en relation avec leur production.
  • Les émissions de consommation couvrent la consommation nationale de biens et de services dans un pays, indépendamment du lieu de production géographique de ces biens et services. 

Le calcul des émissions de production et des émissions de consommation est basé sur un calcul initial des émissions territoriales. D’abord, les émissions territoriales sont calculées en se concentrant sur les sources d’émission et en utilisant des méthodologies d’inventaire des émissions souvent basées sur des méthodes standardisées. Ces méthodes sont définies par les obligations de déclaration dans le cadre de traités internationaux tels que la CCNUCC et la CPATLD. Ensuite, les émissions liées à la production sont calculées en utilisant les émissions territoriales en relation avec les activités économiques nationales. Enfin, les émissions basées sur la consommation sont calculées en utilisant les données d’émissions de production par rapport à la consommation finale de biens et de services fournis par la production nationale et le commerce international.

Pour une analyse plus détaillée et plus précise, les organisations peuvent choisir parmi plusieurs méthodologies pour évaluer leur inventaire d’émissions. 

Comment les mesurer quantitativement ? 

Trois méthodologies sont disponibles pour l’inventaire du carbone. Le Protocole GES a été établi en 1998 par le World Business Council for Sustainable Development (WBCSD) et le World Resources Institutes (WRI) en partenariat avec des entreprises, des ONG et des représentants de l’Etat. 

Il a servi de base à la norme ISO 14064-1:2006, établie par le comité technique ISO/TC207 « management environnemental ». Elle décrit les principes et les procédures de quantification et de déclaration des émissions de gaz à effet de serre et de leur éradication pour les organismes. L’objectif de cette référence technique est d’aider les utilisateurs à appliquer la norme ISO 14064-1 en fournissant des lignes directrices et des exemples. Tout ceci pour faciliter la transparence dans la quantification et la réduction des émissions de GES dans les entreprises, ainsi que dans la préparation des rapports. Elle comprend également une liste des catégories d’émissions qui relèvent de chaque scope.

Enfin, l’ADEME a développé en 2004 le Bilan Carbone®, une méthodologie d’estimation des émissions de gaz à effet de serre des organisations. La technique du Bilan Carbone® prend en compte tous les gaz à effet de serre définis par le GIEC dans tous les flux physiques sans lesquels l’organisation ne peut fonctionner. Ainsi, cette méthode permet aux entreprises et aux entités territoriales de réaliser une évaluation globale des émissions de GES, directes et indirectes. 

Quelques principes à garder à l’esprit

Le protocole GHG, méthodologie la plus reconnue au niveau international, est recommandé par Deepki. Non seulement il est compatible avec la méthodologie Bilan Carbone® mais il offre également une approche de marché permettant de valoriser les achats d’énergie verte

Cinq principes peuvent vous aider à mieux encadrer votre comptabilité des GES :

  • Pertinence : d’une part, il faut s’assurer que l’évaluation des GES reflète de manière appropriée les effets de l’action sur les GES. D’autre part, il faut aussi s’assurer qu’il sert les besoins décisionnels des utilisateurs et des parties prenantes, y compris la sélection du niveau de précision et d’exhaustivité souhaité parmi un éventail d’options méthodologiques. Au sein de la plateforme Deepki Ready, les émissions de gaz à effet de serre sont calculées à l’aide de facteurs d’émission nationaux ou locaux (comptabilité dite « géoréférencée »), conformément au Protocole GES. Plusieurs bases de données de facteurs d’émission sont disponibles au sein de la plateforme et comprennent la base de référence nationale de chaque pays, l’AIE, le CREEM et d’autres encore. 
  • Exhaustivité : inclure tous les effets, sources et puits de GES significatifs dans le périmètre d’évaluation des GES. Divulguer et justifier toute exclusion spécifique. Deepki Ready peut calculer les émissions de GES à partir des facteurs d’émissions des fournisseurs d’énergie (approche basée sur le marché). Chaque kWh d’électricité se verra attribuer le FE approprié du fournisseur d’électricité et la part d’énergie renouvelable sera prise en compte dans les calculs des émissions de CO2eq.

Le conseil de Deepki

Quels sont les éléments à prendre en compte pour choisir la bonne base de données sur les facteurs d’émission  (en anglais « Emission Factor Database » – EFDB) pour mon entreprise ?

  • La localisation de mon portefeuille (national, international)
  • Les champs d’application que je veux couvrir (Scope 1 et 2, ou 3)
  • La réglementation ou norme à laquelle je veux me conformer 
  • Cohérence : utiliser des approches de comptabilité, des méthodes de collecte de données et de de calcul cohérentes pour permettre un suivi significatif des performances dans le temps.
  • Transparence : fournir des informations claires et complètes pour que les examinateurs internes et externes puissent évaluer la crédibilité et la fiabilité des résultats. Les informations doivent être suffisantes pour permettre à une partie extérieure au processus d’évaluation des GES d’obtenir les mêmes résultats si elle dispose des mêmes données sources.
  • Exactitude : vérifier que la variation estimée des émissions et des absorptions de GES n’est systématiquement ni supérieure ni inférieure aux valeurs réelles et que les incertitudes sont réduites autant que possible.

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Un positionnement en évolution

La réglementation européenne (Taxonomie de l’UE, SFDR…) ainsi que les initiatives internationales (CRREM, GRESB, SBTi), sont de plus en plus strictes. Elles encouragent l’utilisation de la comptabilité du CO2. Une stratégie carbone sérieuse et complète n’est plus considérée comme une une opportunité mais comme une simple atténuation des risques. 

Les acteurs de l’immobilier orientent leur stratégie ESG en utilisant le CO2 comme principal indicateur.Iils s’intéressent à l’optimisation de la comptabilité carbone et demandent une analyse comparative des méthodologies de comptabilité. La mise en place d’une stratégie carbone efficace demande du temps et des ressources. Elle nécessite un engagement total, à tous les niveaux, pour garantir un impact réel et efficace. 

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