Les prochains grands thèmes de la taxonomie de l’UE : biodiversité, déchets, eau, pollution

Clementine Tanguy
Date08 septembre 2022

L’Europe n’atteindra pas ses objectifs climatiques et ses objectifs de 2030 et de 2050 si les investissements financiers ne sont pas orientés vers des projets et des activités durables.

Le règlement de l’UE sur la taxonomie devrait permettre de construire un langage commun pour soutenir la transition énergétique et aider à réorienter les flux de capitaux vers les énergies renouvelables et les actifs verts. Les priorités actuelles sont les deux premiers objectifs – l’atténuation du changement climatique et l’adaptation à ce dernier – et, à ce titre, occupent le devant de la scène. 

Dans cet article, nous mettons l’accent sur les quatre autres objectifs. Nous soulignons pourquoi ils sont tout aussi importants que les deux objectifs directements corrélés  au climat, à savoir : l’utilisation durable de l’eau et des sources marines, la transition vers une économie circulaire, la prévention et le contrôle de la pollution, et la protection et la restauration de la biodiversité et des écosystèmes.

La taxonomie européenne en bref

Avec plus de 1000 pages (et d’autres à venir), la Taxonomie européenne peut être déconcertante, même pour les initiés. C’est avant tout un système de classification des activités économiques dont les définitions et les règles déterminent quelles activités économiques peuvent être labelisées comme écologiquement durables. L’année 2022 est une étape importante : c’est la première année pendant laquelle la plupart des institutions financières et des sociétés non financières européennes devront démontrer la durabilité environnementale de leurs activités économiques. 

Lire aussi : Comprendre la taxonomie verte de l’Union Européenne en 7 questions

La taxonomie européenne a été créée pour lutter contre le greenwashing (c’est-à-dire une technique utilisée par les organisations exagérant leurs références environnementales) parmi les produits d’investissement dits écologiques. À cet égard, elle vise à permettre aux acteurs du marché d’identifier et d’investir dans des actifs transparents et durables avec plus de confiance et de clarté. 

En raison des délais serrés du calendrier à suivre et du fait qu’il s’agit d’un cadre complexe et étendu, il est essentiel de commencer à s’aligner sur la taxonomie dès que possible. Les raisons de s’aligner ainsi que les implications générales et la structure du règlement ont été détaillées dans l’article “Comment s’aligner avec la taxonomie ?” à retrouver ici.

Jusqu’à présent, la Commission européenne (CE) a priorisé les objectifs climatiques de la taxonomie européenne, et ce à juste titre. Cependant, cela a eu pour conséquence de limiter l’attention portée aux quatre autres objectifs environnementaux. Nous donnerons un aperçu des implications de ces derniers et soulignerons l’importance et les avantages de les aborder le plus tôt possible. 

The Taxo4

Pour être considérée comme verte, une activité doit contribuer de manière substantielle à l’un des six objectifs environnementaux et ne pas contredire (« Do No Significant Harm ») les cinq autres. 

Jusqu’à présent, seuls les critères de sélection pour les deux premiers objectifs environnementaux ont été officialisés le 4 juin 2021, et mis en œuvre à partir du 1er janvier 2022. Le reporting est déjà en cours puisque les institutions financières doivent se conformer aux critères associés à partir du 1er janvier 2022, et les entreprises non financières tout au long de l’année 2022.

En août 2021 (avec mis à jour le 30 mars 2022), le rapport contenant les critères de sélection technique et les quatre objectifs environnementaux finaux (les Taxo4), qui seront applicables à partir du 1er janvier 2023, a été publié. L’accent initial mis par la Commission sur les objectifs d’atténuation et d’adaptation au changement climatique se retrouve également dans la politique et les objectifs climatiques urgents de l’UE. Par conséquent, les activités économiques qui atténuent le changement climatique et s’y adaptent ont été privilégiées dans l’élaboration des critères de sélection de la taxonomie.

Les objectifs

  • Objectif 3 : Eau et ressources marines

La préservation d’une utilisation saine et durable de l’eau et des ressources marines est primordiale pour la stabilisation du climat et des conditions météorologiques, des moyens de subsistance des populations, etc.

  • Objectif 4 : La transition vers une économie circulaire

L’économie circulaire est un système donnant les outils nécessaires pour prolonger le cycle de vie des produits. L’un de ces principes de ce système est de recycler, réutiliser, réparer, remettre à neuf et partager les matériaux et produits existants le plus longtemps possible. Il repose sur trois principes : l’élimination des déchets et de la pollution, la circulation des produits et des matériaux (à leur valeur maximale) et la régénération de la nature, ce qui permet de réduire les émissions de gaz à effet de serre, les déchets et la pollution.

  • Objectif 5 : La prévention de la pollution

Il s’agit ici de prendre des mesures urgentes pour empêcher l’introduction de substances ou de contaminations dans l’air, l’eau, le sol, les organismes vivants et les ressources alimentaires à des niveaux qui déclenchent des dommages ou des changements défavorables. Cela peut passer par la restauration et l’assainissement des écosystèmes terrestres, des sols, des bâtiments, la gestion des déchets et la dépollution, ainsi que le démantèlement des produits en fin de vie.

  • Objective 6 : La protection et la restauration de la biodiversité et des écosystèmes

La conservation, la restauration ou la protection des services écosystémiques sont fondamentales pour le bien-être des hommes et des animaux.

Des objectives qui se chevauchent

Il y aura un certain chevauchement entre les six objectifs. La Plateforme suggère aussi qu’il existe une articulation entre les objectifs non climatiques et leur impact les uns sur les autres. Prenons par exemple les objectifs d’atténuation du changement climatique et de prévention et de réduction de la pollution : ils se chevaucheront avec les activités économiques impliquant la réduction des émissions provenant de la combustion de combustibles fossiles. De même entre les objectifs relatifs aux écosystèmes et à l’utilisation de l’eau et des ressources marines. C’est pourquoi la transition vers le net-zéro ne peut être considérée comme sérieusement durable que si elle adopte une approche holistique, ce qui est le but du vaste champ d’application de la Taxonomie. 

Focus sur le secteur de l’immobilier

En ce qui concerne le secteur de l’immobilie, le règlement prend en compte plusieurs activités, notamment la construction, la rénovation, l’acquisition et la gestion de bâtiments. Des critères spécifiques concernant l’alignement de la Taxonomie et les objectifs d’atténuation et d’adaptation au changement climatique ont été élaborés pour ces activités.

Dans le secteur des bâtiments, l’objectif est d’appliquer des critères de taxonomie clairement définis (« seuils ») aux nouveaux bâtiments, aux mesures de rénovation, ainsi qu’à l’acquisition et à la propriété des bâtiments. Elle sera également particulièrement importante pour le marché de l’immobilier commercial en raison de la possibilité de classer le bâtiment comme un portefeuille d’actifs couvrant les obligations vertes. En outre, la taxonomie européenne sert à optimiser la contribution du secteur de l’immobilier et des bâtiments à l’objectif climatique de l’Europe. Cet objectif serait atteint en transformant et en modernisant les bâtiments existants, ainsi qu’en construisant de nouveaux actifs selon une norme de carbone zéro net. L’un des obstacles à surmonter est de saper le cycle continu de démolition et de construction. 

De quoi les acteurs de l’immobilier doivent-ils se préoccuper ?

Les émissions immobilières sont le résultat de deux facteurs principaux. La première est le fonctionnement quotidien d’un bâtiment : l’énergie utilisée pour éclairer, chauffer ou refroidir les maisons, les bureaux et les centres commerciaux. L’autre type est le “carbone incorporé”, qui désigne les émissions liées au processus de construction, à l’entretien et à tout type de démolition. En outre, les sociétés immobilières devront atteindre des objectifs ambitieux en matière de consommation d’eau, ainsi qu’en matière de pollution. Selon le rapport de la Plateforme pour la finance durable, l’objectif principal est que les nouveaux bâtiments et les rénovations contribuent à l’économie circulaire. C’est pourquoi les acteurs de l’immobilier doivent se préoccuper principalement de l’objectif 1 (atténuation du changement climatique) et de l’objectif 2 (adaptation au changement climatique) ainsi que de l’objectif 4 (économie circulaire). 

Les premiers critères élaborés par le groupe de travail (qui devront être formellement adoptés par le biais d’un acte délégué) sont les suivants : 

Pour la construction de nouveaux bâtiments et la rénovation de bâtiments existants :

  • 90 % des déchets de construction et de démolition réutilisés ou recyclés.
  • 50 % de matériaux réutilisés, recyclés ou renouvelables provenant d’une source responsable.
  • Analyse obligatoire du cycle de vie de l’impact environnemental de l’ensemble du bâtiment (construction) ou des travaux de rénovation (rénovation).
  • Conceptions et techniques de construction favorisant la circularité

Pour la rénovation de bâtiments existants :

  • 50% du bâtiment d’origine est conservé

À lire également : The goal of reducing GHG emissions: understanding carbon pathways

Vous aider à divulguer vos investissements verts

En raison des diverses interrelations entre les six différents objectifs, Deepki recommande d’obtenir une vue d’ensemble des objectifs pertinents pour votre entreprise. Cela permettra d’éviter tout travail supplémentaire inutile, de créer un processus d’alignement plus efficace et de donner un aperçu immédiat des sujets qui sont couverts par plusieurs objectifs en même temps. Des données comparables et fiables sont primordiales pour atteindre les objectifs d’investissement vert. Cela peut se faire grâce à notre plateforme centralisée, Deepki Ready, qui est capable de collecter, d’agréger et d’exploiter vos données le plus rapidement possible afin de gagner en efficacité et qui utilise ces informations pour choisir les objectifs les plus applicables en fonction de votre portefeuille.

La taxonomie étendue au gaz naturel et à l’énergie nucléaire

Le 6 juillet 2022, lors d’un vote en plénière, le Parlement européen (PE) n’a pas rejeté la proposition de la Commission d’inclure le gaz fossile et l’énergie nucléaire dans la taxonomie. L’acte délégué sur le climat (Taxonomy Complimentary Climate Delegated Act) stipule que l’énergie nucléaire et le gaz fossile peuvent être qualifiés d’investissements verts et devrait entrer en vigueur le 1er janvier 2023. Malgré les inquiétudes soulevées par les groupes de défense de l’environnement, les décideurs politiques maintiennent que ces sources d’énergie ont un rôle à jouer dans la transition et les objectifs climatiques et environnementaux de l’UE et qu’elles peuvent encore nécessiter des investissements dès maintenant. 

La taxonomie européenne a été utilisée pour former la base de la norme européenne sur les obligations vertes (EU Green Bonds Standard) et sera probablement utilisée comme guide à plus grande échelle. Alors que nous nous engageons dans ce voyage taxinomique, l’accent ne peut être mis sur les entreprises pour agir seules. 

L’ensemble de l’industrie immobilière et bâtie devrait tous s’engager dans ce processus, en encourageant une transparence précise des entreprises. D’autant plus que la croissance démographique et la demande croissante de logements signifient que la taille de l’environnement bâti s’étend à un rythme plus rapide que les efforts pour lutter contre les problèmes climatiques et catalyser les émissions de CO₂.